Portrait glacé d’une famille en or

Les Privilèges, deJonathan Dee

Voilà un portrait de famille dérangeant, une chronique pessimiste et cynique de notre époque marquée par la surconsommation et la folie de l’avoir. A travers l’histoire d’un couple qui s’aime et de leur formidable ascension sociale et réussite financière, Jonathan Dee brosse le portrait d’une partie de l’Amérique, celle des nantis, qui fait rêver les autres à coup de résidences secondaires aux Antilles, séjours dans des hôtels hors de prix et salaire à six chiffres. Mais derrière le luxe, on devine les failles d’un système qui comble des désirs à peine formulés, et transforme les êtres en machines consuméristes vivant une vie aussi riche que vide de sens.

Toute la force de l’écriture de Jonathan Dee réside dans cette distance qu’il prend avec ses personnages et leur mode de vie. Tout au long du récit, aucun jugement ne transparait. L’auteur déroule le fil de son roman à travers une objectivité calculée, qui force le lecteur à s’interroger lui-même sur ce qui dérange. L’écriture distanciée, implacable, nous promène au grès des années pour nous faire entrevoir des morceaux de cette vie si parfaite, de brefs tableaux de ce couple obsédés par l’image et les apparences. Dès le premier chapitre, qui donne d’emblée le ton au reste du récit, on se laisse embarquer par cette fiction ultra-réaliste, glaçante de vérité et portrait d’une époque en crise.

E.D